Interview de Romain Fontaine – Electronicien
par Sabine Botella
Bonjour Romain, je vous remercie d’avoir accepté cette interview. Pouvez-vous me dire ce qui vous a conduit à devenir électronicien et quel a été votre parcours ?
J’ai commencé très jeune à être intéressé par tout ce qui était technique et électronique, je démontais tout ce qui me passait entre les mains. J’ai eu la chance de ne pas avoir à me poser de
questions sur mon avenir professionnel car je savais ce que je voulais faire et j’étais bien encadré par mon papa qui était très bricoleur et un cousin qui était déjà dans l’électronique et que je regardais faire avec mes petits yeux émerveillés. Tout cela était magique et je voulais en faire partie donc dès l’obtention du BAC je me suis engagé dans un DUT génie électrique où j’ai appris à faire de l’électricité de puissance pour tout ce qui est machines industrielles électriques et en parallèle de cela sur mon temps libre je présentais des concours de robotique réservés aux étudiants. Nous avons constitué une équipe d’étudiants et avons participé aux concours nationaux.
Petite curiosité personnelle, quel a été le premier robot ?
C’étaient des robots suiveurs de lignes autonomes. Lors du concours organisé sous forme de compétition ils devaient suivre d’eux-mêmes des trajectoires dessinées sur le sol du départ à l’arrivée
et laisser la priorité lorsqu’ils croisaient un autre robot et c’est le premier robot arrivé en fin du parcours qui remportait la manche.
On voit que vous aviez déjà des intérêts plus larges, comment avez-vous orienté votre parcours par la suite ?
Je suis originaire de Normandie et j’ai eu la chance d’aller en Bretagne avec mon meilleur ami pour suivre des études d’ingénieur et nous nous sommes mis en collocation. Notre logement était envahi de matériel électrique, électronique et robotique car il était aussi passionné que moi. Il y avait partout des batteries, des pièces de robots, on ne se consacrait qu’à ça, c’était un repère de savants fous. Nous avons participé au concours « la coupe de France de robotique » qui a une certaine époque était diffusé dans l’émission E=M6. J’ai fait ce concours pendant plusieurs années en
parallèle de mes études d’ingénieur dont deux fois avec mon ami et nous sommes arrivés à nous hisser à la 5 ème place en France ce qui nous a qualifiés pour le concours Eurobot qui est le même
concours mais version Européenne et là aussi nous avons fini 5 ème . Nous avons fait ça pour nous amuser et nous étions très content du classement. Nous avions peu de moyens et nous avons tout construit nous-mêmes, cette passion nous a menés à faire des TP directement en application de nos cours.
Est-ce que le flipper était déjà présent ?
Effectivement en parallèle j’avais déjà commencé mes activités de Flipper, tout ça c’est la faute de mon papa. Dans les années 90 il nous a emmenés mon frère et moi à une vente aux enchères où il
y avait beaucoup d’exploitants de jeux qui fermaient boutique et dont le matériel était vendu aux enchères. Nous y étions allés par curiosité mais ça n’a pas raté, mon papa a acheté 2 Flippers et c’est comme ça que cela a commencé. Je devais avoir 8 ans et j’arrivais à peine à hauteur du Flipper il me fallait monter sur des caisses pour voir la bille. Ce qui a été un avantage car lorsque les machines tombaient en panne je me souviens encore de rentrer par la porte du monnayeur pour aller réparer à l’intérieur, c’est comme ça que j’ai fait mes premières soudures. Tout le reste n’a été qu’une suite logique de ces premières expériences, j’ai développé ma collection en achetant des flippers, j’en ai réparé et j’ai continué sur ma lancée. Je suis allé un peu plus loin avec des passionnés du forum « Flipjuke » pendant mes années d’études et entre les différents concours de robotique, nous avons voulu créer notre propre Flipper. Moi je m’occupais de la partie électronique, une autre personne s’occupait du logiciel sur un ordinateur et une troisième personne s’occupait du plateau, du câblage…Nous nous sommes retrouvés à un salon de Flipper et nous avons mis tout ça en commun pour finalement réaliser la première machine contrôlée par ordinateur, un prototype qui a été jouable quelques temps.
A quel moment le Flipper entre-t-il dans votre vie professionnelle ?
A la fin de mes études j’ai travaillé 2 ans dans la recherche en France dans le domaine de l’électronique, je travaillais sur ce qu’on appelle l’internet des objets et certaines de mes recherches
ont eu des applications directes sur les objets d’aujourd’hui. A cette époque je voulais améliorer mon anglais et avoir une expérience à l’international j’ai donc démissionné et me suis mis à la recherche d’un poste en volontariat international en entreprise, sorte de stage sur une période déterminée proposé à des jeunes en entreprise mais les places étaient chères. J’ai alors décidé de forcer le destin et suis allé à des salons du Flipper où j’ai rencontré quelqu’un qui voulait créer une société pour fabriquer des Flippers au Pays de Galles, je suis donc parti travailler pour Heighway Pinball de 2013 à 2016. Puis je me suis mis à mon compte, je suis freelance en conception électronique et logiciels dans différents domaines d’activité mais le flipper représente environ 50% de mon activité et dans ce domaine et cette spécialité il n’y a personne d’autre en France à ma connaissance.
Pouvez-vous me dire plus précisément en quoi consiste votre travail sur le Flipper ?
En fait c’est simple je dois faire en sorte que la machine s’allume et fonctionne. En moins synthétique je vais m’occuper du système d’entrée et de sortie, c’est aussi ce qu’on appelle le
système de contrôle. Je crée l’ensemble des éléments qui vont permettre de contrôler le mouvement de la bille, les mécanismes, les lampes et éclairages, tout ce qui a attrait au jeu et au fonctionnement de la machine. Je crée des cartes électroniques entrée/sortie, interface, alimentation qui permettent de relier tous ces éléments à un ordinateur. Tout ce système se résume à connecter un ordinateur en USB au reste du Flipper, et oui ça pourrait rappeler notre projet étudiant, mais retravaillé des dizaines de fois car j’avais déjà réutilisé ce projet chez Heighway Pinball même s’ils sont partis dans une autre direction qui complexifiait les choses.
Est-ce pour cela que vous avez développé votre propre carte électronique ?
Oui, j’ai voulu revenir en arrière quand j’ai quitté Heighway Pinball et que j’ai créé ma société « Team Pinball » spécialisée dans la conception de Flippers avec deux anciens collaborateurs. Nous sommes allés vers la simplification car plus de complexité implique plus de composants et donc plus de risques de pannes. Nous avons conçu un nouveau flipper basé sur une seule carte électronique sur laquelle tous les éléments du Flipper venaient se connecter et grâce à cela nous avons pu baisser les coûts. Nous avons donc sorti « Le Mafia » qui a été réalisé en 10 exemplaires puis nous avons décidé de recentrer nos activités et de faire du service pour les fabricants de Flippers en intégrant leurs équipes de développement ainsi nous avons participé à la réalisation de nombreux Flippers dont certains qui sortent en ce moment.
Qu’est-ce qui fait aujourd’hui la différence entre votre carte électronique et celles développées par d’autres entreprises ?
Il se trouve que les solutions actuelles augmentent le nombre de cartes dans un flipper ainsi que le câblage alors que mon système permet d’utiliser moins d’électronique et de mieux gérer les coûts. Une carte unique est une solution élégante et plus sûre qui de surcroît est fabriquée en France. Notre carte peut s’adapter à tous les flippers mais chaque carte va avoir des spécificités.
J’imagine que vous avez des clients dans le Flipper à l’international ?
Oui absolument mais nous travaillons aussi en France avec « Pinsound » qui fait des cartes électroniques de remplacement et amélioration pour les Flippers. Cette entreprise fait beaucoup
d’accessoires, que ce soient des cartes son ou des cartes d’afficheur pour des Flippers existants.
Comment s’est faite votre rencontre avec Hexa Pinball ?
Alexandre Mak m’a appelé et il m’a posé des millions de questions sur mon expérience dans le Flipper, puis nous avons échangé sur son projet. Il y a eu de nombreux appels très denses pour
expliquer comment on conçoit un Flipper. J’ai participé au projet Hexa Pinball dès le début pour guider Alexandre dans cette nouvelle aventure, je l’ai d’ailleurs mis en relation avec Luis Dos Santos qui lui avait réalisé un prototype remisé dans les cartons et qui pouvait servir de point de départ pour Hexa Pinball.
A quel moment intervenez vous dans la conception du Flipper ?
Moi j’interviens au niveau du projet car il y a des contraintes techniques à prendre en compte notamment pour éviter de reconcevoir une solution électronique à partir de zéro. On part des
capacités du système électronique pour donner un cadre dans la conception du jeu qui tient aussi compte de ce que le concepteur veut offrir à l’utilisateur final, ici le joueur. J’opère de cette manière car j’ai les compétences en électronique mais aussi l’expérience en tant que concepteur de Flippers. J’ai d’ailleurs partagé des fichiers que j’avais dessiné il y a quelques années pour servir de base à la conception du Flipper d’Hexa Pinball. En ce qui concerne le « Space Hunt » il a fallu réaliser une autre carte pour pouvoir assister la carte principale, la carte active, le seconde carte fait la partie alimentation, c’est plus une carte passive.
Avec quels intervenants avez-vous le plus travaillé au sein l’équipe Hexa Pinball ?
J’ai davantage travaillé avec Luis Dos Santos qui a conçu le jeu sur tous les aspects mécaniques et intégrations, Alexandre Mak pour la fourniture des composants et Albéric Aublanc qui lui a travaillé sur la partie programmation de la carte électronique. Nous sommes très complémentaires avec Albéric, il travaille sur le microcontrôleur qui crée cette interface entre l’ordinateur et le monde électronique. J’ai découvert aussi avec plaisir la grande capacité d’Alexandre à fédérer et à faciliter les relations entre les différentes personnes de l’équipe.
Aujourd’hui le Flipper « Space Hunt » est sur le marché, est-ce qu’il correspond à l’idée que vous vous en faisiez ?
Je dois dire que je suis impressionné par le niveau de finition du jeu de manière générale. C’est probablement le Flipper le plus abouti sur lequel j’ai été amené à travailler. Je salue et apporte une
grande reconnaissance à tout le travail qui a été effectué par l’équipe. Ça a été un joli projet avec une belle équipe et j’espère que le second Flipper ne va pas tarder.
J’imagine que vous avez joué sur ce Flipper, pouvez-vous me parler de votre expérience de jeu ?
Alors je n’ai pas assez joué et oui c’est possible. Mais j’ai mon « Space Hunt » que je vais déballer très prochainement sauf si mon papa essaie de le subtiliser. En salon on préfère laisser jouer les gens et souvent je suis plus dedans que dessus le flipper, l’enfance a laissé des traces ! J’ai fait quelques missions et je trouve le jeu très rafraichissant par rapport à ce qui se fait aujourd’hui, on n’a pas à rougir de ce qu’on a réalisé. Malgré le fait que les gros fabricants américains aient des moyens financiers et humains autres que les nôtres, nous sommes au rendez-vous et c’est une grande fierté.