Interview d’Hervé Coussillan – Compositeur / Sound Designer
par Sabine Botella
Bonjour Hervé, je vous remercie d’avoir accepté cette interview. Vous êtes musicien, peut-on savoir comment s’exprime votre passion, vous produisez vous ? Faites vous partie d’un groupe ?
Oui je suis musicien et fais de la musique depuis toujours, j’aime travailler sur plusieurs projets en même temps. Ma principale activité c’est la composition de musiques originales pour le théâtre où je travaille en étroite collaboration avec une metteuse en scène. A côté de ça je suis clavier dans un groupe de Funk et je produis aussi des albums de musique électronique avec une autre formation.
Vous avez un emploi du temps assez chargé, comment êtes-vous arrivé à travailler sur le Flipper « Space Hunt » ?
En fait avec Alexandre Mak nous avons une passion commune pour le jeu vidéo et le Flipper, nous nous sommes rencontrés au Game Center dans le Gers car nous avions un ami commun. Cet événement organisé par un collectionneur qui a plus de 30 Flippers et 300 Bornes d’Arcade est un rendez-vous incontournable pour les amateurs. Nous avons discuté de notre passion commune du Flipper et je lui ai parlé de la musique du coup le jour où le projet Hexa Pinball a vu le jour il a immédiatement pensé à moi. J’ai « forcément » sauté à pieds joints dans l’aventure, l’occasion unique d’allier mes deux passions : musique et flippers, comment résister à ça !
Mais finalement c’est une première pour vous, vous n’aviez jamais travaillé sur ce type de projet ?
Effectivement je ne l’avais jamais fait mais je pense que personne en France ne l’a fait à part moi. Je ne savais pas trop par où commencer et je ne me rendais pas compte de la somme de travail que cela nécessiterait. J’ai fait les musiques, les voix et les bruitages. Toutes les voix du flipper sont la mienne retravaillée, il y en a quand même 75. Ce sont des phrases très courtes qu’il a fallu faire en anglais et en français ce qui fait au final 150 voix que j’ai du dû enregistrer et traiter. Au niveau des bruitages j’ai dû les inventer, les bumpers, les slingshots …doivent être sonorisés, on en a fait entre 100 et 120. Il y a aussi 25 thèmes musicaux mais pour en avoir 25 j’en ai fait bien plus qui étaient tous des compositions originales. La musique est essentiellement composée de sons électronique mais il y a aussi des guitares, de la basse, tout le reste est du clavier, j’ai tout réalisé seul.
Comment votre travail s’est-il organisé avec les autres membres de l’équipe ?
En fait moi je proposais mes créations à Luis Dos Santos, le Game designer et chef de projet, mais parfois nous n’avions pas la même vision car cela ne correspondait pas à l‘ambiance qu’il voulait pour telle ou telle mission, donc c’était à refaire. Ça été une collaboration constructive même si ça a généré beaucoup de travail, Luis avait une vision très précise de ce qu’il voulait car il était à l’origine du jeu. J’étais aussi en lien avec Alexandre Labedade pour les animations, il m’envoyait des clips vidéo sans aucun son et c’était à moi de les cartooniser, de mettre des bruitages dessus, des fonds musicaux calés sur l’action, c’est quasiment du dessin animé.
J’ai aussi beaucoup échangé avec Alexandre Mak car nous avions cette passion commune et avec Christophe André qui lui entrait dans un univers qu’il ne connaissait pas mais ça a eu l’avantage d’avoir un regard extérieur. D’ailleurs c’est lui qui a proposé le mode « Pause » nous on n’y aurait jamais pensé, on a trouvé l’idée géniale et il l’a fait.
Vous connaissez déjà les contraintes de travailler sur un projet avec votre expérience du théâtre, mais quelles ont été les contraintes supplémentaires que vous avez rencontrées en travaillant sur le Flipper ?
Certaines Missions sont chronométrées, par exemple on a 45 secondes pour faire une action donc il faut que la musique soit calée, le timing est très précis et doit être respecté. Ensuite il y a les codes, dans le monde du Flipper on sait qu’un bumper doit faire tel type de bruit et il en est de même pour d’autres éléments. On ne peut pas trop s’en éloigner, il faut prendre en compte l’attente du joueur ce qui me laisse moins de liberté, il faut respecter les codes de bienséance du Flipper. Il y a une autre contrainte qui n’est pas à négliger c’est la restitution du son. Nous sommes habitués à écouter la musique sur une chaine Hifi, écouteurs, téléphone ou autres mais au niveau d’un Flipper c’est très différent il faut s’adapter à son système sonore. La musique doit se mélanger correctement aux bruitages du flipper qui passent par-dessus, il y a un mixage à faire qui est assez délicat Enfin la quantité de travail que ça représente et que j’avais largement sous-évaluée. Pour tout vous dire on continue de faire des modifications sur le son qui seront réintégrées dans le jeu lors des mises à jour. D’ailleurs la Mission « La grande Finale » n’est toujours pas codée donc il me reste encore une mission entière à faire. Ce qui a été difficile c’est que je n’avais pas le flipper sur place et il n’était pas non plus facile de travailler dans l’atelier d’Hexa Pinball car j’ai besoin d’un environnement calme mais on a su s’adapter. Les contraintes ne font pas oublier le plaisir qui demeure intacte et il faut voir le bon côté des choses, on est obligé d’essayer la machine 😊
Que retirez vous de cette expérience ? cela vous a-t-il ouvert de nouvelles portes ?
Pour moi c’était une belle aventure, je suis prêt à recommencer demain ! c’est aussi une grande fierté d’avoir participé à la construction d’un Flipper français je n’aurais jamais imaginé, même dans mes rêves les plus fous, que j’aurais la chance de faire ça un jour. Oui ça m’a ouvert de nouveaux horizons, maintenant je suis paré je sais faire.
Le Flipper est maintenant présenté au public, avez-vous eu des retours sur la musique ?
Oui c’est plutôt très positif il y a même à ma grande surprise un forum américain où j’ai des fans. Lors de la sortie du Flipper on avait fait un trailer dans lequel il y avait une partie ou je chante, les gens disaient que la chanson leur restait en tête, ce qui est vraiment génial.
Vous souvenez vous de la première fois où vous avez découvert le Flipper ?
Oui, je devais avoir 7/8 ans j’avais le nez au niveau de la vitre, j’étais fasciné par les sons et les lumières et j’ai tout de suite joué. J’essayais de comprendre comment ça marchait car j’étais déjà curieux et je voulais savoir qu’est-ce qui actionnait quoi.
Et le côté collectionneur c’est arrivé quand ?
C’était une période nostalgique. Mon premier Flipper j’avais environ 25 ans, une connaissance vendait le sien, il ne l’utilisait plus. Je n’aurais jamais dû faire ça car cela a réveillé le collectionneur qui est en moi, c’était le début de la fin. En plus J’ai eu le malheur d’avoir de la place chez moi alors il y en a eu 1, 2, 12 puis 25, j’aurais mieux fait d’avoir un studio. Aujourd’hui j’en ai 17 car j’en ai revendu, j’ai du flipper mécanique au flipper électronique, j’aime les belles mécaniques et ceux qui ont une âme.
Par rapport aux jeux vidéo, à votre avis qu’est-ce que le flipper a de plus ?
Je trouve que c’est plus convivial même si le Flipper est moins présent dans les bars et s’est davantage développé chez les particuliers. Le Flipper est plus drôle, plus interactif, ce n’est pas qu’un écran c’est une machine physique. Je suis en grand Fan des machines, j’ai fait beaucoup de musique électronique et j’ai un tas de machines avec des fils qui courent partout, j’aime ce côté concret. Le flipper est un objet, on peut l’assimiler à un meuble ou à de la décoration ce que ne sera jamais un jeu vidéo et en allant encore plus loin on pourrait même parler d’une œuvre d’art.